Samia
Je dois décrire mon ressenti et pour l’heure, la seule chose dont j’ai envie est de lire les ressentis des autres. Je suppose que ce n’est pas le but de m’inspirer ou me laisser influencer par les mots des autres veilleurs, alors je tourne rapidement les pages pour ne pas être tentée de lire mais vois quand même leurs traces pour me dire qu’ils sont bien passés par là et qu’ils sont tous différents par la façon dont ils forment leurs lettres.
Et puis je me dis aussi que ne pas lire, c’est respecter la confiance qu’ils font à cette expérience, aux termes de l’expérience. J’imagine que la confiance est centrale dans cette expérience. Partir de chez soi, arriver en un lieu, confier ses affaires à un inconnu, l’accompagnateur (ici Geoffrey), entrer dans cet objet-abri (préalablement vérifié par Geoffrey pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’araignée, pour moi, l’arachnophobe), et passer environ une heure dans cette case mi-bois mi-verre conçue par un étranger encore. Lui confier mon temps.
Dans cette case, veiller sur la ville, sur les gens, les arbres, les oiseaux, les grues, les bâtiments, les avions. Est-ce cela que fait Dieu ? Est-ce cela que font les anges ? Veiller, ou bienveiller, même si ce verbe n’existe pas. Ne pas pouvoir intervenir quand quelqu’un fait tomber quelque chose ou qu’un enfant tombe.
Pourquoi ai-je écrit sur la page 19 alors que la page 18 est vide ? Je n’ai jamais ressenti de vide pendant cette heure. Il y a de la vie partout parce que j’ai vu du mouvement partout. Et même quand c’est calme, dans ma tête ce n’est jamais vide.
Est-ce pour nous laisser libres que Dieu n’intervient jamais dans la vie des hommes ? Pourquoi je regarde toujours instinctivement au plus près de moi et non à l’horizon ? Est-ce que les gens ressentent que je bienveille sur eux même s’ils ne me voient pas ? Pourquoi quand quelqu’un me voit, naturellement, nous nous sourions et nous saluons de la main ? Pourquoi certaines personnes se comportent mal ? Est-ce parce que personne ne les voit (ou le pensent-ils ?)
Je viens finalement terminer mon récit sur la page 18, je reviens en arrière.
Comme dans la case, où je suis restée une grande partie du temps au début vers la vitre côté parc, côté Tour Eiffel, avant de me dire “oh mais il y a une autre face vitrée voyons”. Est-ce que j’ai pris du recul ?
Ma sciatique m’a fait un peu souffrir durant cette heure, comment font les veilleurs de nuit, les gardiens de phare et les vigiles dans les horribles supermarchés. Quand ces horribles supermarchés disparaîtront-ils ?
Je vais boire mon verre d’eau et reprendre la route. Je vous souhaite une bonne soirée, de belles prochaines veillées et une vie honorable à tous.
Peut-être à bientôt. Bien à vous.
Samia de Perpignan.
Samia