Témoignages

Année #2

Ensemble Erard-Charenton, Paris 12e du 08/09/2023 au 08/09/2024

Gérald

mercredi 7 août 2024 à 20 h 21

C’est la fin d’une heure de veille, je pen­sais perdre le fil du temps.
Raté ! Dans un cadre de lumière, reflet de l’éclairage de la cabine, la voilà qui appa­rait, pile en face, la tour de l’hor­loge, comme le nez au milieu de la figure.
« On ne voit que toi, là, où veux-tu que je regarde ? »
Ou plutôt, qui veux-tu que je regarde, ou quoi ? Là aussi, inu­tile de cher­cher midi à qua­torze heures, ils s’étalent comme des gros chats et s’illu­mi­nent dans le noir, les trains de la gare de Lyon. De l’art de regar­der les trains qui pas­sent, comme dans ce film écossais.
Quoi encore ? Une croi­sée des che­mins, juste en bas. A gauche ? A droite ? Jamais la rue de Charenton ne m’était appa­rue comme un choix. Si je conti­nue vers Bastille, je rentre dans Paris. Si je prends la rue Crozatier, je file vers le fau­bourg et si je longe tout droit, me voilà à Montmartre.
Je n’avais jamais réa­lisé qu’en tirant une bordée comme sur un bateau à voile, je me retrou­ve­rais au Sacré-Cœur, par cette drôle de tran­chée verte, sur la droite, bon sang, mais quelle est cette avenue ?
Me voilà passé des trains aux bateaux. Pourtant, pas de traces de la Seine, elle est cachée tout du long. Mais à veiller depuis là-haut, les cartes sont brouillées et il faut se repé­rer comme un marin avec les côtes ou un nomade avec les col­li­nes. Tracer des bords.
Donc je regarde mes pieds et je les place sur les plan­ches du par­quet.
Tout droit, la tour de l’hor­loge, je l’ai déjà dit, et puis le Panthéon qui sur­nage der­rière les buil­dings de la rue de Bercy, et la tour Montparnasse, et le ballon du parc Citroën.
Et puis la pers­pec­tive de la Défense à l’Arc de Triomphe, qui nous amène la patrouille de France au beaux jours dans notre fau­bourg.
Et der­rière, à l’Est, pas grand-chose de nou­veau, la Montagne des Singes et c’est déjà beau­coup, elle était déjà là avant la créa­tion de Lutèce.
Et puis des­sous, qui voilà à veiller ? Ma famille qui me fait des grands signes, et qui ren­contre des amis, ah bon ? Il est là-haut et qui par­lent et rigo­lent pen­dant que je veille. C’est-à-dire que je ne m’endors pas, en fait, rien de plus, je regarde pour ne pas que mes pau­piè­res tom­bent, tout ce qui me tient éveillé.
Le temps s’écoule, l’heure est passée, la nuit arrive et la tour Eiffel est la pre­mière à s’allu­mer. C’est elle qui prend son quart.
On vient me cher­cher…

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