
Caroline
Il fait chaud. Cela ressemble à un sauna. Tu respires l’odeur du bois. Tu enlèves tes chaussures pour demeurer pieds nus et sentir le contact des planches. Tu te postes côté jardin. Tu dresses ton petit inventaire : les ados sur le terrain de basket, les jardins partagés, un gars tout près, au pied de "ta" cabane, dans le ciel les nuages, les immeubles, la haute cheminée. Tu te postes et tu vois la lumière changer. Côté cour, les joggers, les couples, les groupes, les solitaires, les bancs, la rue en arrière-plan. Tu fermes les yeux. Tu veilles sur toi-même. Tu fais de petits mouvements. Tu inventes des petits jeux de respiration, de concentration, d’évasion. Tu penses aux prisonnier.e.s. Aux enfermements subis. A tes choix et à ta liberté. Tu penses aux gens qui épient. Toi tu préfères veiller. Tu te dis qu’il n’y a aucun intérêt à épier, que c’est malsain. Tandis que veiller te fait du bien. Tu as mis au point une petite astuce. Tu fermes les yeux. Tu t’abstrais. Et à chaque fois que tu ouvres les yeux, tu vois que quelque chose a changé. Des gens disparaissent, d’autres apparaissent. Il y a du visible et de l’invisible. Au bout d’une heure, tu fais un constat surprenant et délectable : le temps n’a pas eu de prise sur toi. Rien ni personne ne t’a volé ton expérience.