Aglaé
« Ce matin était immobile. Rien ne bougeait. À peine un léger bruissement dans les arbres. Il avait plu aux premières lueurs, le ciel semblait lavé. Je suis restée immobile à regarder, à l’ouest. J’ai regardé pour voir. Ce matin les nuages de ce ciel lavé étaient merveilleux de lenteur et de transformation. Leur mouvement lent prenait corps avec les modulations de la lumière, qui était d’abord grise, légèrement bleutée. Le paysage baignait entièrement dans la même teinte. Seule la frise des arbres au premier plan révélait ses différentes variations de vert. Je suis restée immobile à regarder le mouvement du ciel. Une sorte de permanence toujours renouvelée. La danse des nuages était extraordinaire. En dessous, les immeubles, les tours, plantés comme des balises, semblaient couvés, protégés par la caresse des nuages. C’est étonnant comme la transformation est à la fois visible et invisible. J’ai assisté à un événement sans fin. Je suis restée debout, immobile pour mieux ressentir ce mouvement perpétuel. J’étais à la jonction de la terre et du ciel, dans cet entre-deux moment, reliée par la ligne d’horizon. À un moment, la lumière était dans un équilibre parfait, juste avant les premiers rayons du soleil, qui sont arrivés lentement, éclairant d’abord le haut des nuages devenus or, puis les habitations, dans un mouvement de vague, inondant la ville sur son passage. J’ai pensé à Georges Perec, les mots font exister. Ce regard aussi. Ce matin, à cet endroit offert, j’ai pris le relai un instant pour voir ce qui était. »
Aglaé