Abel-Antoine
« Au début, je faisais le cake. Je me disais, je vais tout mémoriser, je vais écrire ci, ça, etc. Mais la vie m’a mis un petit cou d’humilité au travers de la veille. Parce qu’effectivement, c’est vraiment une veille. On veille. Au début j’ai découvert mon environnement, que je connais, que je connais déjà un petit peu puisque j’habite juste en dessous du parc. Mais en fait, évidemment, ça n’a aucune importance puisqu’il ne s’agit pas du tout de ça. On accède à un autre niveau de connaissance. On développe une intimité avec certains oiseaux (les pies, les corbeaux, des trucs que je ne connais pas), certains immeubles (d’ailleurs pour la prochaine fois, si c’est possible de vitré entièrement l’immeuble qui cache la vue des Mercuriales, ce serait top merci), la pelouse (les traces de pattes de chien qui aurait cru que je verrai ça un jour, se dessiner dans l’herbe), le terrain d’athlé.
Et alors j’ai développé une très belle relation avec une dame et son chien (une relation unilatérale) que j’ai regardé pendant de longues minutes (j’emploie le mot minute mais franchement ça veut plus rien dire là-haut). Je la regardais lancer un bâton à son chien, je voyais l’expression la plus pure du bonheur sur Terre : un chien extatique qui rapporte un bâton à sa maîtresse. En remuant la queue, un grand sourire aux lèvres, mais quoi de plus beau ça merde ? La fille prenait vraiment son temps, ce n’était pas une promenade expédiée entre deux textos. J’ai trouvé qu’on vivait un peu la même chose. Elle veillait sur son chien, je veillais sur elle. À un moment, une autre femme a surgit du bois avec son chien. Et j’ai un peu honte de le dire mais je lui en ai voulu. Un peu comme quand quelqu’un débarque au milieu d’un moment privilégié qu’on partage avec quelqu’un d’autre. Son chien m’a déplu aussi. Mais je me suis dit que ce n’était pas sympa de penser ça alors j’ai arrêté. Ensuite mon amie est sortie lentement du cadre (avec la fenêtre ça fait un peu comme un cadre) et j’ai éprouvé de la tristesse.
Je suis passé à l’autre fenêtre et elle est réapparue quelques secondes, avant de sortir du parc.
Qu’est ce que c’était bien…
Ah et aussi j’ai failli chialer en regardant des oiseaux voler vers le lever de soleil, je sais pas ce qui m’a pris. »
Abel-Antoine